C’est le 26 septembre 1946, alors que la guerre est à peine terminée, que le premier numéro du journal Tintin sort des presses.  Crée par un ancien douanier (Raymond LEBLANC)   reconverti dans l’édition, ce journal pour la jeunesse s’affirme d’emblée comme d’un niveau jamais égalé.  Son contenu est nettement au dessus de ses concurrents et sa maquette tout à fait novatrice. 
Dans cette revue rien n’est laissé au hasard.  La mise en page est aérée et équilibrée, les couleurs sont agréables et choisies avec le plus grand soin.  Tout est minutieusement structuré et témoigne d’un grand professionnalisme.  Rien de très surprenant quand on sait que derrière le directeur artistique se cache HERGE, le créateur du célèbre reporter Tintin.   Les résultats ne se font pas attendre et le soir même de sa sortie tous les 40.000 exemplaires imprimés sont épuisés.  Mais très vite une petite ombre vient quelque peu assombrir cette belle réussite.  L’édition néerlandophone (KUIFJE) démarre beaucoup moins vite.  Il est vrai que les éditions Casterman n’ont diffusés les premières aventures du héros de Hergé que quelques mois auparavent.  Tintin n’est donc pas encore un personnage très populaire en Flandre.  Alors que Raymond LEBLANC  tente de trouver des solutions, le créateur de Bob et Bobette caresse le rêve de faire connaître ses personnages en territoires francophones et en particulier en France.  C’est par l’entremise de Karel Van Milleghem, le rédacteur en chef de KUIFJE,  que le fondateur des éditions du Lombard va convaincre le papa de Bob et Bobette de rejoindre le journal Tintin.  Vandersteen accepte d’ailleurs tout de suite avec un grand enthousiasme.  Mais il reste à convaincre le directeur artistique du journal.  Hergé connaît bien les personnages de Vandersteen.  Mais il trouve l’humour de ce dernier un peu vulgaire et son graphisme beaucoup trop spontané.  S’il veut participer à l’hebdomadaire, le dessinateur de Bob et Bobette va devoir discipliner son coup de crayon et modérer les débordements de son imagination beaucoup trop farfelue pour le père de Tintin.  C’est sur le plan du graphisme que les plus grands efforts devront être faits.  Il est vrai que jusqu’alors, Vandersteen à toujours mis en scènes des histoires et des personnages relativement populaires « populo ».  De plus, les points de vue de Hergé sont très différents de ceux qui étaient jusque là dictés à Vandersteen par les directeurs des quotidiens pour lesquels ils dessinaient.  Selon Hergé, les récits d’une conception approximative n’ont pas leur place dans un magazine qui vise la perfection et dont les histoires confinent au chef-d’œuvre.  Telles quelles, les aventures de Bob et Bobette ne peuvent être présentées aux côtés des autres séries élaborées par les autres dessinateurs du journal comme Jacobs, Cuvelier ou Jacques Martin, et Hergé lui-même.
De cette incroyable période, sortiront donc ainsi sous la coupe d’Hergé, huit albums aussi incroyables les uns que les autres (Le Fantôme Espagnol, La Clé de bronze, Le Casque Tartare, Le Château de Beersel, Le Gladiateur mystère, Les Martiens sont là, Les Masques Blancs, La Cavale d’or).  Les deux dernières aventures (Les Masques Blancs et la Cavale d’or) ne sortiront dans les années 50 que sous forme d’épisode hebdomadaires dans le journal de Tintin et il faudra attendre leur publication dans la collection rouge pour les découvrir enfin en  albums.  Pour les autres aventures, elles vont  bien paraître dans les années 5o, dans la prestigieuse collection des toilés Lombard avec une toute nouvelle maquette désormais devenue légendaire, et qui donnera naissance à la série bleue qui doit son nom original du fait que la couleur des couvertures des albums de Monsieur Lambique, Bob et Bobette  sont bleues. Ces huit aventures seront presque toutes considérées comme des chefs-d’œuvres. 
Les héros du journal Tintin ne sont pas nés dans le quartier du « Sefhoek » mais bien issus de la bourgeoisie bien pensante.  Vandersteen n’aura d’autre alternative que de se plier aux exigences de Hergé.  Il s’appliquera donc à donner beaucoup plus de clarté aux récits et à perfectionner la netteté de ses dessins.  Après des semaines de travail,  un premier album voit finalement le jour : Le fantôme espagnol.  La première demi-page de cette aventure sera publiée le 16 septembre 1948.  Elle sera introduite par un article de présentation sur l’auteur.  Les lecteurs semblent très vite apprivoiser le style si bien que très rapidement les épisodes finissent eux aussi par occuper une pleine page.   Si les premières planches trahissent encore le style premier de Willy, on peut déjà y découvrir de nettes améliorations.  Très rapidement au fil des pages, le dessin évolue pour aboutir en fin de compte à une œuvre d’une remarquable finesse.  L’aventure du fantôme espagnol, la première longue histoire de Bob et Bobette tiendra le lecteur en haleine pendant 69 semaines.   Vandersteen se fait sa place parmi les grands de la BD francophone.  Désormais, son dessin sera pur et précis jusqu’au moindre détail.  Ses scénarii seront astucieusement dosés et d’une grande lisibilité.  Les personnages de la saga vont se modifier suite aux recommandations de Hergé.  Jérôme, Tante Sidonie et le professeur Barabas seront exits de la série.  Lambique va subir une cure d’amaigrissement et une cure de jouvence.  Son intelligence va également se développer tout comme ses muscles.  Toujours tiré à quatre épingles (nous sommes loin de l’île d’Amphoria) Bob est devenu un adolescent sain de corps et d’esprit.  Quant à Bobette, fini le petit nœud coquin.  Devenue une vraie demoiselle, elle ne joue plus à la poupée qui va elle aussi disparaître des aventures.  Cependant, Bobette n’en demeurera pas moins  fouineuse. 
C’est en 1959, que Willy Vandersteen va tourner une page importante dans sa carrière.  Depuis quelques mois, il envisage de rompre avec les éditions du Lombard.  Déjà, il laisse à Karel Boumans et à Edouard De Rop le soin de continuer l’aventure de la Cavale d’Or.  La qualité du dernier tiers de l’album  s’en ressent d’ailleurs très fort. Même les gags du prince Riri s’en ressentent.  Le déclin s’accentue.  Pourtant, l’auteur n’en a pas moins écrit un nouveau scénario pour les prochaines péripéties de Bob et Bobette qui devrait suivre l’aventure de la Cavale d’or.  Intitulé le Sonomètre, l’histoire traite des nuisances sonores.  Elle introduit aussi un nouveau personnage, le professeur Tellenbol.  Mais Vandersteen n’en ébauchera que les toutes premières planches.  En effet, si c’est avec beaucoup d’enthousiasme que Willy Vandersteen avait rejoint l’équipe des éditions du Lombard en 1948, il estime qu’en dix années, les choses ont beaucoup évoluées.  Vandersteen finira par dire : « Tintin a pris tant d’importance que l’artiste a le sentiment de n’être plus qu’un artisan parmi tant d’autres.  Au début, nous formions un petit groupe de vrais amis qui se stimulaient mutuellement.   Chacun apportant sa part d’imagination.  Aujourd’hui, des dizaines de dessinateurs se bousculent à la rédaction et un désagréable climat de concurrence s’y est installé.  C’est une ambiance que je ne supporte pas et j’ai donc choisi de m’en écarter ».  Il quittera donc le journal Tintin et l’épisode du Sonomètre restera à jamais inachevé. 

(1) : Pour la petite histoire, Le nom de Don persolos y Vigoramba n’a pas été choisi sans raison.  Et si le fantôme présente un linceul si blanc c’est également pour la même raison.  A cette époque, les marques de poudre à lessiver Persil et Vigor étaient aussi populaires que ne le sont Ariel et Dash de nos jours.  Le spectre espagnol emprunte donc son nom à ces deux grandes marques  et il parait donc tout à fait logique que son linceul soit plus blanc que blanc.

(2) C’est un casque ciselé et acheté par Willy Vandersteen comme souvenir de vacances qui serait à l’origine de ce troisième épisode de Bob et Bobette.

(3) A l’origine, cette aventure devait s’intituler De l’Or pour Rome.  C’est d’ailleurs sous ce titre qu’il sera pré-publié dans l’édition néerlandophone du journal Tintin (KUIFJE).

(4) Après la côte d’Azur, Vandersteen envoie Bob et Bobette à Paris.  Ce choix n’est pas dû au seul hasard !  Depuis novembre 1948, les Editions du Lombard diffusent leur hebdomadaire en France.  Le journal Tintin s’y est progressivement imposé, mais son implantation n’est pas encore suffisante  et reste donc une des préoccupations majeures de l’éditeur.

(5) En donnant au bébé dinosaure le nom de Lollo, Vandersteen exprime toute sa tendresse pour sa fille cadette, née en 1954.  C’est en effet sous ce pseudonyme  que la famille Vandersteen et les intimes appellent affectueusement Liliane Vandersteen. 
Première version du Fantôme Espagnol  -  © 1942
Version condensé pour la série rouge du
Fantôme Espagnol  -  © 1975

Les personnages de Bob et Bobette ont connu de nombreuses évolutions à travers le temps.  Le créateur de nos deux héros les a fait régulièrement évoluer à mesure que son expérience grandissait.  Une des étapes  importantes dans la carrière de Willy Vandersteen restera sa  participation à la revue Tintin (Kuifje).  Nous vous proposons de vous présenter cet important changement dans l’œuvre de celui que Hergé finira par appeler le Breughel de la bande dessinée. 

Date de parution: 2 mars 1950
Date de parution:  16 mai 1951
Date de parution:  24 juillet 1952
Date de parution:  15 octobre 1953
Date de parution:  2 février 1955
Date de parution:  4 juillet 1956
Date de parution:  27 février 1958
Date de parution: 1952